Manoel de Oliveira célébrera cette année ses 80 ans de cinéma. Une carrière loin d’être terminée comme en témoignait, le mois dernier, la sortie de son nouveau film L’étrange affaire Angélica dont le scénario a été écrit il y a 60 ans. On ne cesse d’être étonné par la jeunesse de ce cinéaste de 102 ans.
En effet, Oliveira est aujourd’hui le seul metteur en scène à avoir commencé sa carrière à l’époque du muet. C’est en 1931 que le jeune homme, attiré par la comédie et la course automobile, réalise Douro, travail fluvial, film qui s’inscrit dans le prolongement des documentaires d’avant-garde comme Berlin, symphonie d’une grande ville de Walther Ruttman ou L’Homme à la caméra de Dziga Vertov. En 1942, Oliveira signe son premier long métrage de fiction Aniki Bobo, une œuvre sur l’enfance proche du néoréalisme italien à peine naissant.
Compte tenu de la dictature qui frappe le Portugal, la carrière d’Oliveira ne sera pas régulière. Il réalise toutefois deux films importants au début des années 60 : Les Actes du Printemps et La Chasse. A partir des années 70, il commence à tourner de façon plus soutenue jusqu’à atteindre le rythme d’un film par an, jamais démenti depuis 30 ans. Il s’impose à travers des adaptations littéraires, des fresques historiques, des opérettes, des contes fantastiques avec des acteurs portugais, français et internationaux comme Catherine Deneuve, Irène Papas, Bulle Ogier, Leonor Silveira, Luis Miguel Cintra, Marcello Mastroianni, John Malkovich, Michel Piccoli.
Cette longévité se traduit par le recours à tous les formats cinématographiques du long au court. En proposant un choix de ses films, le festival de Brive veut montrer l’actualité d’un cinéaste et la modernité d’un format qui lui a permis de réaliser aussi bien des documentaires (Nice, à propos de Jean Vigo), des fictions (Belle toujours, Singularités d’une jeune fille blonde), des essais filmés (Douro, Porto de mon enfance) que des films à sketches (Non... ou la vaine gloire de commander, Mon cas, Inquiétude).
On retrouve à travers ces titres ses grands thèmes : l’enfance, la vieillesse, les années 20, la création, la ville, le théâtre, l’Histoire, le Portugal. Autant de sujets qu’Oliveira traite à chaque fois avec malice et sagesse. Il était important de célébrer ce jubilé hors norme en offrant un panorama qui nous l’espérons donnera envie de mieux connaître une œuvre aux multiples facettes qui se réfléchissent entre elles créant l’une des filmographies les plus riches de l’Histoire du cinéma.
Une chose est sûre : Manoel de Oliveira n’a pas fini de nous étonner !
Bamchade Pourvali est écrivain de cinéma.
Il est l'auteur de Chris Marker (Cahier du cinéma, 2003), Godard neuf zéro, les films des années 90 de Jean-Luc Godard (Séguier,2006), Wong Kar-wai, la modernité d'un cinéaste asiatique (Amandier, 2007) ainsi qu'un dossier sur L'homme à la caméra de Dziga Vertov pour le site du CNDP en 2010. Il termine une thèse de doctorat sur l'essai filmé à l'Université de Paris III -Sorbonne Nouvelle.
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